EDITORIAL

Du Docteur Eric GIBERT
Président de l’AFHYP

L’outil hypnotique est à une croisée des chemins pour enfin trouver officiellement sa place dans le monde de la santé. 

L’hypnose a été mise à l’index car elle n’est pas facilement mesurable, évaluable et à ce jour encore, on ne sait pas très bien la définir et la localiser dans le fonctionnement de l’humain. 

Néanmoins elle fascine par les résultats qu’elle permet d’obtenir dans différents domaines, tout particulièrement dans le traitement de la douleur (1) et la chirurgie (2). 

Chacun d’entre nous vit quotidiennement des états hypnotiques, où sa perception du temps est modifiée il ne ressent pas le temps passer (3).
Ces états se matérialisent par le triptyque de fixation, absorption, dissociation.

Concrètement, certains sujets à notre esprit peuvent nous captiver au point de nous absorber.
S’installe alors un mode de fonctionnement beaucoup plus imaginatif, créatif, voire onirique.
Ce qui est passionnant dans ces instants, c’est l’expérimentation de notre conscience « décrochée ».

Notre mode de fonctionnement cérébral et corporel nous ouvre d’autres possibles autres que ceux de notre quotidien, pour poursuivre notre chemin de vie. 

On peut 
rapprocher cette expérience hypnotique à la définition que le psychologue Abraham Maslow a nommé « l’expérience paroxystique » en art : « cette capacité singulière de provoquer un assainissement de la perception que la personne a d’elle-même, modifier sa manière de voir les autres, changer sa vision du monde, de façon plus ou moins durable, libérer sa créativité, sa spontanéité, sa personnalité profonde, sa capacité à prendre des responsabilités » (4).

Ainsi, l’hypnose est un mode de fonctionnement nécessaire pour notre adaptation au monde et notre survie, il est intrinsèque à notre être et peut apparaître de façon plus intense chez certaines personnes que chez d’autres. 

Les artistes, les philosophes (5), les scientifiques (6) connaissent tous cette pratique quelle que soit leur discipline. et nous le sommes tous à des degrés divers, pour paraphraser Andy Wharol.  « N’étouffez pas votre inspiration, ni votre imagination, ne devenez pas esclave de votre modèle » nous dit Van Gogh. «Tout ce que vous imaginez est vrai » d’après Picasso. Et Platon : « La nécessité est mère de l’invention ». 

Nous vivons ces instants hypnotiques dans nos activités quotidiennes, lorsque nous pratiquons une activité professionnelle, personnelle, sportive, artistique. Tout se passe d’une façon fluide, presque évidente, tout s’écoule avec facilité, sans fatigue et certains ont utilisé le mot anglais de flow (7) pour l’exprimer. 

Alors tous les « pratiquants » en hypnose, les scientifiques tentent de comprendre comment ce processus s’est installé dans l’évolution de l’Homo sapiens (8) probablement lorsqu’il a découvert ses capacités artistiques.

 Aujourd’hui les chercheurs essaient d’en découvrir (9) et d’en situer le mode d’interaction corporelle et cérébrale. 

Notre association appartient à la Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapies Brèves et plusieurs de ses membres apportent leurs contributions à ce travail de compréhension de ce phénomène.

1 – Le livre bleu de l’hypnose Pr Giuseppe De Benedettis Ed Anfortas
2 – Efficacy of Hypnosis in Adults Undergoing Surgical Procedures: A meta-analytic update
Mareike Hollera Susan Koranyib Bernhard Straussa Jenny Rosendahl, Clinical Psychology Review volume 85, April 2021, 102001
3 – Dictionnaire encyclopédique d’hypnose Dr Gérard Fitoussi Ed Anfortas
4 – COUCHAUX Denis, L’Essence de l’Art, p.103, Ed Thierry Marchaisse
5 – GODELIER, Maurice. L’imaginé, l’imaginaire et le symbolique. CNRS.
6 – HADAMARD, J. et POINCARÉ, H. Essai sur la psychologie de l’invention en Mathématiques. Jacques Gabay.
7 – The Flow : par Mihaly Csikszentmihalyi
8 – GAILLARD, Raphaël. Un coup de hache dans la tête. Grasset.
9 – E. MUNOZ, musat et al. Hypnotic induction of deafness to elementary sounds ; Frontiers in Neuroscience 2022